« L’avenir se construit ensemble » Communiqué d’Arnaud Montebourg, Président de l’Association France Algérie

Communiqué

« L’avenir se construit ensemble »

La relation entre la France et l’Algérie n’a cessé d’être présente dans le débat qui a précédé notre élection présidentielle. Certains ont manifesté ouvertement leurs nostalgies du passé colonial. En Algérie également, ce passé alimente beaucoup de commentaires comme par exemple à l’occasion de la célébration du 8 mai 1945, qui signifie Libération en France mais massacres de Sétif, Guelma et Kherrata de l’autre côté de la Méditerranée.

De part et d’autre, il y avait un grand absent : l’avenir ! L’Association France Algérie que je préside, a été fondée en 1963, dès après l’indépendance, avec une idée simple : les malheurs et les horreurs de la guerre d’Algérie nous confiaient un devoir, celui de la réconciliation et de la coopération entre deux peuples libres. C’est en nous projetant vers l’avenir, en bâtissant des projets communs que nous condamnerons le mieux l’erreur historique de la colonisation. Ranimer les plaies, les souffrances et les deuils ne ferait que nourrir les rancœurs, de part et d’autre, sans pouvoir les dépasser.

L’histoire relève des historiens. L’avenir se construit avec les peuples. Et nous avons tant en partage ! Tant de nos compatriotes ont leurs racines en Algérie, formant un pont vivant entre les deux rives. L’usage d’une même langue crée des liens incomparables. Dans la tourmente économique de la mondialisation, nos intérêts sont si semblables : ni la France, ni l’Algérie ne veulent être emportées par des courants qu’ils ne maîtrisent pas, par une globalisation sans règle qui les mine, par des défis climatiques qu’ils veulent relever. Les ressources énergétiques de l’Algérie sont décisives ; de l’autre rive, la France peut soutenir l’investissement industriel, technologique, numérique, agricole que les Algériens veulent développer. Nos entreprises voudraient travailler ensemble ; nos universités ont déjà développé un réseau de coopération solide ; dans le domaine du cinéma, de l’édition, de nouveaux talents émergent, faisant découvrir au public français la société algérienne d’aujourd’hui, les débats qui la traversent. L’égalité entre les hommes et les femmes, la place de la religion dans l’espace public, la liberté d’opinion, celle de la presse, la démocratie et les mouvements sociaux : tous ces enjeux sont débattus sur les deux rives.

Bâtir un avenir commun suppose de se parler ouvertement : ceux qui ont fondé l’Association France Algérie et les innombrables amoureux de l’Algérie en France ont toujours soutenu la liberté du peuple algérien. Ils conservent donc un point de vue indépendant des Etats et des gouvernements. Quand trop de militants du hirak ou des journalistes sont poursuivis ou emprisonnés ; quand ils voient disparaître un journal, ils ne se croient pas obligés de fermer les yeux, ils s’interrogent. Quand des voix nostalgiques de la colonisation s’élèvent en France, ils les combattent. Nous n’avons pas de leçon à donner et nous n’avons jamais pratiqué l’ingérence : mais soulever des questions -qui peuvent se poser dans tous les pays du monde se réclamant de la Déclaration universelle des droits de l’homme- relève de la simple et naturelle solidarité. Et cela peut et doit nourrir des débats fructueux car nos amis algériens sont également exigeants à notre égard. Héritiers des Français qui avaient lutté pour l’indépendance de l’Algérie, nous nous interdisons l’indifférence. Contrairement à ce qu’un ministre avait affirmé devant le Sénat algérien sans être démenti, la France n’est pas l’ennemi traditionnel et éternel de l’Algérie ! Ces deux-là peuvent devenir au contraire les meilleures amies du monde. Les Français d’aujourd’hui, dans leur immense majorité, souhaitent avoir de bonnes relations avec l’Algérie. Faut-il rappeler que 90,8 % des Français ont approuvé par referendum en 1962, l’indépendance de l’Algérie et la coopération avec la France ?

Cessons d’être prisonniers d’un passé dramatique dont nous ne fûmes pas les acteurs. Prenons au contraire le risque de nous engager dans des projets d’avenir, dans le domaine agricole, industriel, énergétique, technologique, numérique, universitaire, dans la coopération en matière de santé, dans les co-éditions, les productions cinématographiques conjointes. La confiance que fait naître la coopération et le travail en commun permettront de mieux nous comprendre : le respect des mémoires est à notre portée. C’est un objectif. Le passé ne doit pas être oublié, mais c’est en construisant l’avenir que nous serons à la hauteur des devoirs qu’inspirent ceux qui se sont battus pour la liberté. 2022 va marquer le soixantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, et je forme des vœux pour qu’ainsi s’engendre un nouveau départ de nos relations fondé sur l’amitié, l’estime, le respect.

Paris le jeudi 30 juin 2022

Arnaud MONTEBOURG

Président de l’Association France Algérie


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juin 30, 2022