Films de l’AFA, Journée des femmes 2021


L’AFA ou Association France Algérie a commémoré la journée des femmes en organisant à Paris une séance consacrée à de jeunes cinéastes algériennes. Ce sont trois courts films, plus ou moins une vingtaine de minutes pour chacun, dont deux ont pu être réalisés grâce à l’aide de l’Institut culturel français d’Alger, en collaboration avec le Festival Premiers plans d’Angers. Ces deux-là ont valeur d’exemples, et traitent de cas très précis. Le troisième est plus ambitieux puisqu’il montre à la fois des femmes au travail de différentes façons, à la manière traditionnelle et sans doute ancestrale à quelques minimes changements prés, et des femmes jeunes ou plus âgées essayant de décortiquer, si l’on ose dire, le célèbre code de la famille qui régit les droits et les devoirs des Algériennes selon les juristes qui l’ont concocté.
—L’un des deux premiers, réalisé par Rima Kerkebane, s’intitule en français « Enfants de Tixéraïne », du nom de ce qui est ou a été en réalité un quartier du grand Alger, mais qui est plutôt vécu par ses habitants actuels comme une petite ville ou un village de Kabylie— et de fait, semble-t-il, tout le monde y parle la langue kabyle. Une inondation assez grave vient d’y avoir lieu et il est clair pour tout le monde que la faute en est à l’absence des travaux d’aménagement qui auraient pu éviter le drame. Ce qui est intéressant est la manière dont réagissent quelques jeunes hommes, qui expliquent que quoi qu’il en soit et sans gémir continûment sur les carences de l’Etat, il leur faut se prendre en main et réaliser eux-mêmes les travaux—du moins ceux qui sont à leur portée, évidemment. Iront-ils jusqu’à aménager des espaces de jeux qui manquent pour les enfants, on ne sait. Mais à la fin du film on voit très brièvement qu’ils vont participer à une manifestation (très encadrée) ce qui est le signe qu’ils sont décidés à ne pas rester passifs ni dans la résignation.
Deuxième petit film, de Louiza Belamri. Encore plus court que le précédent, il est centré sur un jeune homme qui exerce fort habilement le métier de tatoueur mais qui n’est pas sûr de continuer parce qu’il se sent, comme il dit, démotivé. Et ce en raison de sa relation à sa mère qui n’approuve pas son choix, ce qui est à mettre en rapport avec le fait qu’elle donne des cours de charia à la moquée : on apprend en effet que l’islam désapprouve le tatouage, parce qu’il est une agression contre la figure humaine telle qu’elle sort des mains de Dieu. Ce qui est intéressant dans ce cas précis est que la réprobation ne prend pas une forme violente ni très explicite, mais qu’elle est efficace du seul fait que comme dirait Monsieur de La Palice, elle n’est pas une approbation—le résultat étant que le tatoueur n’a pas sur lui la bénédiction d’Allah, et sent qu’il ne l’a pas. Petit film, certes, mais qui permet d’entrer très intelligemment dans d’importantes subtilités.
Dans le troisième film qui est l’œuvre de Saadia Gassem (connue pour son rôle dans « En attendant les hirondelles » de Karim Moussaoui en 2017) on voit un nombre assez important de femmes, diverses à tous égards. Les unes sont des femmes éduquées, voire intellectuelles, dont certaines sont jeunes et d’autres plus âgées mais qui ont en commun de vouloir comprendre aussi précisément que possible ce que dit le code de la famille promulgué en 1984 et modifié ensuite par divers amendements. Il semble qu’il y ait dans le texte en arabe des mots qui ne sont pas sans présenter quelques difficultés, et qu’il est évidemment important de bien comprendre, ne serait-ce que pour le cas où certains seraient piégés ! Mais la réalisatrice est loin de montrer seulement ces femmes-là, bien au contraire. On en voit plusieurs autres, vieilles ou jeunettes, villageoises qui vivent en pleine nature, cueillant des fruits sauvages ou nettoyant avec un évident plaisir sources et bassins. Ces femmes si différentes sont toutes des Algériennes au même titre et leur force vient de leur diversité. En revanche le « décalage » qui existe entre le code de la famille et la vie réelle des femmes est dénoncé par elles comme une preuve à charge contre l’inopportunité du premier.
Le beau titre de ce film, « Piments rouges » permet à la réalisatrice de montrer de très belles images, mais aussi de dire que les femmes sont une force de travail considérable et indispensable, même si elles reçoivent rarement l’hommage qui leur est dû.
Il est remarquable que les trois films montrés à l’AFA soient collés à des réalités concrètes, ce ne sont ni des démonstrations ni des revendications, on a plutôt envie de dire que ce sont des témoignages d’amour pour des femmes et pour un pays.

Denise Brahimi

mai 17, 2021