Intervention d’Arnaud Montebourg, président de l’Association France Algérie



Académie des Sciences d’Outre-Mer

Hommage à Pierre Morizot

Mardi 11 décembre 2018





« Je veux d’abord remercier Pierre Gény et l’Académie des Sciences d’Outre-Mer, l’association Aouras et son président, le professeur Charles Guittard, de cette invitation. L’Association France Algérie, que je préside depuis peu, s’associe bien volontiers à l’hommage que vous rendez aujourd’hui à Pierre  Morizot. Cette association, beaucoup ici le savent, a été fondée dès 1963 sur une idée de Germaine Tillion, avec le soutien du général de Gaulle, pour maintenir des relations entre les sociétés algérienne et française après l’Indépendance.

Et cette exigence d’une relation fraternelle malgré les épreuves, fut celle de Pierre Morizot, tout au long de sa vie.

– L’Algérie, il la rencontra pendant la guerre, où il fut accueilli par son frère ainé, administrateur adjoint de la commune d’Arris, dans les Aurès. Ses études de latin, son intérêt pour l’antiquité lui firent         découvrir la richesse archéologique de cette région qu’il parcourait à pied durant des jours. Il recueillit plusieurs inscriptions, dont celle qui fut ensuite célèbre, consacrée à Mastiès, qui s’était proclamé « empereur des Maures et des Romains ». Pierre Morizot avait alors vingt ans.

-La France, il la servit au moment où elle était à terre, vaincue et occupée. C’est en 1943 qu’il rejoignit les Forces françaises libres cantonnées en Tripolitaine. Ce fut l’épopée de la 1ère Division française libre, de la colonne Leclerc, la future 2ème DB au Maroc en 1943. Il termine la guerre avec la Légion d’Honneur, trois citations et une blessure. Pierre Morizot  sert alors comme administrateur civil dans des zones rurales de l’Atlas marocain avant d’intégrer le corps diplomatique, qui l’emmènera en Iran, au Canada, à Oslo, à Dakar, avant d’être nommé ambassadeur à Oman puis au Sri-Lanka.

Mais il ne cessa pas de s’intéresser au patrimoine archéologique des Aurès.   Dans l’Algérie indépendante,  avec  le  soutien  de Mounir  Bouchenaki,  alors  directeur du Service  des  Antiquités, ses           recherches permirent de révéler des inscriptions inédites, une nécropole, une dédicace à  Jupiter, des témoignages de l’époque byzantine, de publier des vues du site retrouvé de Ksar Roumia. Il publia « L’archéologie aérienne de l’Aurés », « Romains et Berbères face à face » (2015), fonda la   Société d’études et de recherches sur l’Aurès antique et sa revue Aouras, permettant de réunir les    talents, de publier les recherches, de promouvoir le patrimoine algérien, tout en créant des liens étroits de coopération entre chercheurs français et algériens.

Parce qu’il aima passionnément la France et l’Algérie, parce qu’il se consacra à resserrer les liens entre les deux rives, l’exemple de Pierre Morizot nous touche. Il savait mieux que quiconque les leçons de l’histoire longue. C’est en s’appropriant sa propre histoire millénaire que l’Algérie affermit son identité, que le dialogue entre nos deux pays se trouve facilité. Les 132 ans de l’ère coloniale ne doivent pas faire oublier que nous partageons tous deux l’héritage de l’antiquité et une histoire croisée depuis des siècles. En nous le rappelant, Pierre Morizot nous a délivré un message pour l’avenir.

Les Français et les Algériens ont tant à faire ensemble. La cruauté et les horreurs du XXème siècle nous créent un devoir : celui d’être exemplaires pour l’avenir. C’est l’esprit qui anime l’Association France Algérie. Nous tourner vers demain, avec l’esprit de fraternité qui anime deux peuples libres. Mettre en avant ce qui nous unit avant ce qui nous distingue.

C’est à quoi nous invite le regard  généreux de Pierre Morizot. »

Arnaud Montebourg

président de l’Association France Algérie




                         

décembre 12, 2018